MAVA -Muse?e d’art de la vie Active
Couvre-chef
Le couvre-chef peut s’envisager de deux manie?res. La premie?re, e?vidente, est celle de la coiffe, au sens de chapeau. La seconde, par le double sens du mot chef, renvoie a? la fois a? la te?te, c’est-a?-dire a? la re?flexion et a? la pense?e, et au leadership, au commandement.
En coiffant ses personnages, Meschac Gaba leur tresse des couronnes symboliques.
Re?cemment, le photographe Samuel Fosso a produit une se?rie intitule?e African Spirits, dans laquelle il incarnait dans des autoportraits des grandes figures noires, africaines et ame?ricaines. Un hommage a? la ne?gritude et a? ceux qui ont combattu pour l’e?galite? des droits. En de?passant les frontie?res identitaires et raciales, le projet de Meschac Gaba va beaucoup plus loin, puisque c’est une fresque de l’humanite? qu’il repre?sente a? travers ses tresses. Son message est clair : il est des hommes qui ont œuvre? au bien de l’humanite? entie?re, quel qu’ait e?te? le coin du monde qui les a vu nai?tre.
En ce sens, il nous rappelle qu’il existe une communaute? indivisible et solidaire qui contribue a? rendre le monde un peu moins hostile. Par les temps que nous vivons, ou? le repli sur soi et les nationalismes de tout acabit menacent les fondements de l’ide?al que nous devrions tous avoir en commun.
Mais Gaba va naturellement plus loin, puisque les perruques qui repre?sentent chacune de ces grandes figures sont des tresses qui renvoient sans ambigui?te?s a? l’Afrique. Est-ce une manie?re de nous ramener que le continent est le berceau de l’humanite? et que, de?s lors, nous devrions tous nous conside?rer comme ses enfants ? De la me?me fac?on que les e?tudiants de mai 68 se disaient tous juifs allemands, par solidarite? a? l’e?gard de Daniel Cohn-Bendit qui avait e?te? ostracise? par le pouvoir en place, Gaba nous de?clare tous Africains. Mais il ne faudra pas comprendre cette de?marche comme une revendication identitaire, une volonte? d’assujettir l’autre, mais bien pluto?t comme un acte d’amour, une profession de foi qui revendique l’abolition de l’alte?rite?, lorsque celle-ci est porteuse de ne?gation. Une manie?re de re?pondre a? ce que le philosophe allemand Ersnt Bloch avait nomme?
« la question inde?passable, la question essentielle » : le proble?me, en soi, du Nous.
Texte Simon Njami
C’est le cas des tresses : les techniques et les traditions proviennent, en grande partie, d’Afri- que de l’ouest, mais sont en usage (sous forme d’extensions synthe?tiques) aussi bien a? Harlem (New York) qu’a? la Goutte d’or (Paris). S’en inspirant, il donne forme a? des perruques-sculp- tures symboliques (c’est le cas de la se?rie MAVA, 2010, et des se?ries Cars Wigs et Architectures, 2008-2009). En posant un regard sur les itine?rai- res culturels de ces objets, leur provenance et leur mutation d’une culture a? une autre, il met en lumie?re la complexite? de leur « biographie sociale ». Une nouvelle e?tape commence alors ;
les objets investis par de nouvelles significations vont au-dela? de leur « histoire locale » pour prendre place dans un contexte global. Ainsi, les tresses ne sont pas seulement une re?fe?rence a? l’Afrique, mais des objets re?e?labore?s par le marche? actuel, matie?re d’une cre?ation contemporaine et signes d’une contemporane?ite?, dans le sens d’une globalisation des e?changes culturels. Ces couvre-te?tes excentriques sont souvent montre?s a? travers la mise en place de de?ambulations dans la ville.
C’est le cas de la procession organise?e en 2010 dans le cadre des ce?le?brations pour le cinquantie?me anniversaire de l’inde?pendance du Be?nin. Marie Curie, Kwame? N’Krumah, Je?sus- Christ, Louis Pasteur, Karl Marx, Socrate, Gue?zo, Be?hanzin... chacun repre?sente? par des signes tresse?s – coiffes colore?es porte?es par une tren- taine de mannequins de?ambulant –, arpentent la ville de Cotonou. A? cette occasion, l'intervention publique e?tait le moyen de promouvoir son Muse?e de l’Art de la vie active et pour interpeller les autorite?s de la capitale e?conomique du pays.
Texte Francesca Cozzolino