VERNISSAGE DIMANCHE 5 JUIN 2022, DE 14H À 18H
La principale question guidant la recherche artistique d'Amir Nave est fondamentalement inspirée par de nombreuses tentatives à formuler l'idée suivante : est-il possible de délivrer quelque chose de précieux du présent à l'éternité ?
Des questions sur le temps, l'espace, les frontières, l'isolement, les relations de pouvoir entre les personnes et au sein d'une même personne, tentant de briser tout ce qui est sans équivoque, constituent le cadre du sujet principal traité par l'artiste, la douleur de la conscience.
Dans son processus de travail, Amir Nave commence par détruire tout ce qui représente pour lui une valeur, un lieu, une morale ou une limite, jusqu'à ce que toute "vie" ait disparu et que seul le chaos subsiste. Au sein de ses oeuvres, la destruction en dit plus que la construction et la lutte à l'intérieur de ses peintures est liée au rapport entre le vide et le plein. Le vide échappant au domaine du langage participe à susciter la créativité en décrivant quelque chose que nous ne pouvons pas totalement concevoir. Le vide sur ses toiles participe également à concentrer l'attention sur le corps et notamment sur la tête, point central de sa peinture.
À compter de là, l'artiste tente de reconstruire le monde à nouveau, constitué de paysages délavés au sein desquels évoluent des figures remplies de besoins, allégories du déclin de la société humaine décadente de notre époque.
Ses silhouettes tendent à représenter le désir d'éprouver le monde, pour le pire ou le meilleur. Le corps est aussi une sorte de sablier et la tentative de se confronter à cela provient du désir de ne pas l'accepter comme un absolu incontournable, mais plutôt de le définir comme un dérivé de la conscience.
Peu avant l'aube, il te faut écrire ces quelques lignes, comme sommé depuis l'avenir à prendre la route.
Lové autour de ton cou, pendu à tes épaules, un serpent chuchote à ton oreille utérine, dans sa propre langue, des mots que tu ne connais pas au sujet d'une apocalypse naissante.
Tu menais jusqu'alors ta vie en parfait aveugle, comme enseveli durant toutes ces années sous le sable du désert, sous l'histoire.
A ton réveil, imminent, tu découvriras que le réconfort imaginaire de la civilisation ne te contente plus.
Au petit matin tu entendras des cris lointains, et tu t'efforceras de te remémorer cette dernière pensée, capitale, venue juste avant de t'endormir.
Tu réaliseras alors que dans ce dernier soupir avant l'endormissement tu as eu un souvenir qui renfermait un pouvoir occulte - capable même de briser cet ordre illusoire qui berce notre monde.
Tu émergeras au bout d'un long sommeil. Peut-être ne te souviendras-tu pas précisément si tu étais une chenille verte montant à cheval, ou si un homme bariolé était apparu face à toi. Peut-être te rappelleras-tu avoir entendu le bourdonnement d'un essaim d'abeilles ou vu des lions et des issues de secours - tous en appelaient à ce que tu ouvres les yeux et te réveilles.
Tes tempes seront probablement douloureuses.
Tu poseras les mains sur ta tête comme tous ces êtres examinant l'univers.
Tu le regarderas.
Docile. Tu seras devant tout cela - seul. Le réel à son apogée. Et tu ne sauras rien de l'aurore ni de ce souvenir manqué qui rôdait la nuit autour de toi
Riant sans cesse.
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Le bien d'hier n'a rien à offrir au moi d'aujourd'hui - sauf annuler tout ce qui fut. Ce n'est pas à cause du mépris ni de la haine, ni du rejet ni de l'amour, etc., mais à cause de la dette qu'hier a envers aujourd'hui : demeurer dans l'hier et reconnaître qu'il n'est pas demain.
Cet espace sublime, extraordinaire, qu'on traverse en un instant, se mêle pourtant au cours du temps. Parfois plusieurs heures, parfois quelques minutes. Cet espace qui sépare la vie d'hier de la vie d'aujourd'hui. C'est là une éternité qu'on ne peut surmonter qu'en la négligeant.
Comme la mort, s'endormir ne prend qu'un instant.
C'est un morceau de temps impossible à préciser. Il ne nous laisse aucun véritable souvenir de lui-même. On ne le distingue pas de la suite des phénomènes qui l'ont précédé.
Le moment qui suit ce soupir d'endormissement ne coïncide jamais avec celui qui le précède. Entre eux deux se tissent les toiles d'une visite à d'autres mondes, à la fois célestes et telluriques, déchirés par le soupir de l'aube.
Et si on se réveille ?... Se réveille-t-on vraiment ? Et si on se réveillait, serait-on toujours la même personne ? Se réveillerait-t-on face au même monde ?
Amir Nave